62e arrêté CEE : décryptage du contenu et des évolutions

décryptage CEE

Publié au Journal Officiel de la République Française le 30 août dernier, l’arrêté du 22 août 20241 modifie de nombreux éléments relatifs au dispositif des Certificats d’économies d’énergie (CEE) :

  • la liste des éléments d’une demande et les documents à archiver par le demandeur
  • le catalogue et les forfaits d’opérations standardisées d'économies d'énergie, portant à 231 le nombre de fiches
  • les modalités de contrôles

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Dispositif CEE, kesako ?

Pour rappel, le dispositif des CEE a été créé par la loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique de 2005 (dite loi « POPE »).

Il fait reposer une obligation incombant aux principaux fournisseurs d’énergie, de contribuer financièrement à des opérations d’efficacité énergétique. Concrètement, l’État fixe aux énergéticiens un objectif d’économies d’énergie à atteindre sur une période donnée, auquel ces entreprises dites “obligées » sont tenues de répondre, sous peine de sanctions.

Les fournisseurs s’engagent ainsi concrètement à subventionner des opérations d’efficacité énergétique, les certificats matérialisant le volume d’énergie économisé (1 CEE = 1 kWh cumac).

Dans ce cadre, les actions les plus fréquemment réalisées font l’objet de fiches d’opérations standardisées, pour lesquelles une valeur forfaitaire de CEE est préalablement définie.

Chaque fiche est composée :

+ de la description de l’opération standardisée elle-même définissant les exigences et le forfait d’économies d’énergie et les modalités de contrôle ;
+ de la partie A de l’attestation sur l’honneur prévue par l’arrêté du 4 septembre 2014.

Des évolutions attendues pour le secteur agricole

Le secteur agricole connaît quelques ajustements avec des modifications de forfait et une validité courant jusqu’au 1er janvier 2030 pour les fiches :

  • AGRI-EQ-104 « Écrans thermiques latéraux » : applicable aux opérations engagées à compter du 1er janvier 2025, elle vise à augmenter le forfait maraîchère de 14 %.
  • AGRI-TH-101 « Dispositif de stockage d’eau chaude de type « Open Buffer » :applicable aux opérations engagées à compter du 1er janvier 2025, elle vise à abaisser de 31 % le forfait CEE associé.

Un signal positif est envoyé au secteur avec la création de la fiche AGRI-EQ-111 « Simple écran thermique ». Entrée en vigueur dès le 31 août 2024, elle vise à installer un écran thermique simple neuf au-dessus des cultures d’une serre chauffée2, avec un forfait CEE couvrant 17 à 30 % de l’investissement.


👀 L’oeil de l’expert :

Mickael Vaucher, Responsable de développement commercial Grands Comptes chez Hellio :

Mickael-Vaucher-photo« Les révisions à la baisse des forfaits CEE interviennent sur des fiches d’opérations standardisées existant depuis plusieurs années. Il s’agit donc d’évolutions attendues, mais qui portent sur des équipements essentiels dans le secteur des serres, qui ont d’ailleurs démontré toute leur efficacité pour réaliser des économies d’énergie réelles. Assez logiquement, ces ajustements risquent de ralentir les investissements dans le domaine.

Cependant un signal positif est envoyé avec la création de la fiche AGRI-EQ-111 qui concerne les écrans thermiques simples. D’après les retours d’expérience de nos partenaires, ces équipements ont une durée de vie d’environ 7 à 8 ans et nous estimons entre 50 et 60 % le nombre d’écrans thermiques à remplacer sur les serres.

Enfin, nous restons dans l’attente de la création de nouvelles fiches CEE, notamment sur la double paroi gonflable, qui permet des économies d’énergies significatives.

La production de chaleur reste un poste important sur le secteur de la serre, qu'il s’agisse du maraîchage ou de l’horticulture. Des solutions telles que l’installation de chaudières biomasse, la géothermie ou le raccordement aux réseaux de chaleur pourraient être envisagées, mais leur coût d’investissement à date constitue un important frein pour les donneurs d’ordre. »


Révisions, créations, suppression de 8 fiches dédiées aux bâtiments tertiaires

Du côté des bâtiments tertiaires, les révisions concernent :

  • La précision du secteur géographique associé à la fiche BAT-TH-158 « Pompe à chaleur réversible de type air/air en France métropolitaine », avec une période de validité courant jusqu’en 2030.
  • L’installation d’une Gestion Technique des Bâtiments (GTB) avec une révision de la fiche BAT-TH-116 « Système de gestion technique du bâtiment pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire, le refroidissement/climatisation, l’éclairage et les auxiliaires »

En effet, l’accélération de l’installation des systèmes de GTB a eu pour conséquence de diminuer le gisement d’économies d’énergie réalisables. Le gouvernement entend désormais diminuer l’incitation financière dans le cadre du dispositif des CEE, avec :

  • Une actualisation de la situation de référence pour tenir compte des obligations du décret BACS
  • Une baisse des forfaits CEE entre 5 % et 50 %
  • Une correction apportée au forfait CEE pour l’usage de l’eau chaude sanitaire dans les commerces, pour les opérations engagées avant le 1er janvier 2025
  • La suppression des financements pour l’éclairage des secteurs « commerce » et « santé »
  • Une validité de la fiche rallongée de 5 ans, soit jusqu’en 2030

⛔ Non-cumuls :

♨️ La fiche BAT-TH-116 n’est pas cumulable avec les dispositifs des fiches d’opérations standardisées :

  • BAT-SE-103 « Réglage des organes d’équilibrage d’une installation de chauffage à eau chaude »
  • BAT-TH-108 « Système de régulation par programmation d'intermittence »
  • BAT-TH-109 « Optimiseur de relance en chauffage collectif comprenant une fonction auto-adaptative »

❄️ La fiche BAT-TH-116 n’est pas cumulable avec les dispositifs de la fiche d’opération standardisée BAT-TH-122 « Programmateur d’intermittence pour la climatisation ».

💡 La fiche BAT-TH-166 n’est pas cumulable avec la fiche d’opération standardisée BAT-EQ-127 « Luminaire à modules LED ».


👀 L’oeil de l’expert :

Augustin Bouet, Directeur du département Grands Comptes chez Hellio :

Augustin-Bouet

« La baisse des forfaits CEE sur la fiche relative à la mise en place d’un système de GTB pour les bâtiments tertiaires était attendue. Elle fait écho à l’échéance du 1er janvier 2025 du décret BACS : à cette date, les bâtiments tertiaires d’une puissance cumulée chaud-froid de plus de 290 kW ont en effet l’obligation de se mettre en conformité avec les exigences de ce décret, qui implique généralement d’installer — entre autres — un système GTB performant.

C’est dans la logique du dispositif CEE de s'effacer progressivement lorsqu’une action de performance énergétique revêt un caractère réglementaire.

C’est cependant une bonne chose que la fiche soit maintenue, même avec un forfait moindre car elle va permettre aux bâtiments encore non équipés, et plus précisément les sites tertiaires de taille moyenne, de financer l’installation de systèmes GTB performants. »


Deux nouvelles fiches CEE sont entrées en vigueur le 31 août 2024 :

  • La BAT-EQ-135 « Dispositif performant d’alimentation sans interruption », qui vise à mettre en place le dispositif au sein d’un Data Center neuf ou existant.
  • La BAT-TH-161 « Maintien en température des groupes électrogènes de secours par pompe à chaleur de type air/eau », qui vise à mettre en place une pompe à chaleur (PAC) en remplacement des résistances électriques de réchauffage et de maintien en température du moteur thermique d’un groupe électrogène de secours existant.

Elle est également applicable pour la mise en place d’un groupe électrogène de secours neuf équipé d’une PAC pour le réchauffage et le maintien en température du moteur thermique du groupe électrogène.

Enfin, après que des limites ont été identifiées concernant l’étude à l’origine du calcul des forfaits CEE de la fiche BAT-TH-160 « Vannes de régulation étanches à servomoteurs économes (France métropolitaine) », celle-ci a été supprimée le 1er septembre 2024. Une étude est toutefois en cours pour pallier les biais identifiés, et une nouvelle fiche pourrait être créée en remplacement dans les prochains mois.


Adaptation des systèmes de chauffage des bâtiments résidentiels

De même, 3 fiches du secteur résidentiel connaissent des adaptations :

  • BAR-TH-171 « Pompe à chaleur de type air/eau » notamment quant à l’ajout de l'usage chauffage ou chauffage + eau chaude sanitaire, applicable aux opérations engagées à compter du 1er janvier 2025. Les référentiels de contrôle ont été ajustés en conséquence, pour les opérations engagées à compter du 1er janvier 2025.
  • BAR-TH-172 « Pompe à chaleur de type eau/eau ou sol/eau » notamment quant à l’ajout de l'usage chauffage ou chauffage + eau chaude sanitaire, applicable aux opérations engagées à compter du 1er janvier 2025. Les référentiels de contrôle ont été ajustés en conséquence, pour les opérations engagées à compter du 1er janvier 2025.
  • BAR-TH-101 « Chauffe-eau solaire individuel en France métropolitaine », applicable aux opérations engagées à compter du 1er janvier 2025, avec :
  • Une baisse de 15 % en moyenne des forfaits CEE
  • Une harmonisation des critères avec ceux de MaPrimeRénov’
  • Une obligation de faire réaliser les travaux par un artisan RGE (équipements de chauffage ou de fourniture d'eau chaude sanitaire fonctionnant à l'énergie solaire et dotés de capteurs solaires)
  • L’ajout d’indicateurs aux preuves de réalisations

Refonte conséquente du dispositif dédié à l’éclairage extérieur

Afin de tenir compte du règlement éco-conception 2019/2020 et de l’évolution de la situation de référence de la fiche « RES-EC-104 Rénovation d’éclairage extérieur », celle-ci connaît une profonde refonte, comprenant notamment :

  • Une baisse importante des forfaits de 22 % et 57 %
  • L’instauration de contrôles sur site systématique de l’ensemble des opérations engagées à compter du 1er mars 2024
  • Une précision des secteurs d’application de la fiche : éclairage public, parking en sus, voirie et parking privés
  • Un non-cumul avec la fiche RES-EC-103 « Système de variation de puissance en éclairage extérieur »
  • La validité de la fiche court jusqu’en 2030

👀 L’oeil de l’experte :

Léa Monnier, Responsable du pôle Secteur public du département Grands comptes chez Hellio :


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« La révision de la fiche RES-EC-104 portant sur la rénovation de l’éclairage extérieur était attendue et nécessaire, notamment en raison des nombreux abus observés ces derniers mois (projecteurs non éligibles financés, valorisation du rétrofit…). Cette fiche, entrée en vigueur au tout début du dispositif des CEE le 1er janvier 2015, n’avait jusqu’alors connu aucune modification et certains éléments méritaient d’être précisés.

Néanmoins, s’il était en effet nécessaire de préciser davantage les secteurs d’application et de faire évoluer les critères d'éligibilité afin que le matériel en question corresponde aux évolutions technologiques, d’autres ajustements pourraient s’avérer contreproductifs :

Les forfaits CEE sont drastiquement révisés à la baisse, alors que l’enjeu de la rénovation de l’éclairage extérieur est absolument central, notamment pour les collectivités.
L’instauration des contrôles sur site systématiques va permettre de limiter considérablement les abus. Cependant, nous craignons que les modalités instaurées ne soient parfois décorrélées de la réalité du terrain et aboutissent à des difficultés pour les bureaux de contrôle, occasionnant des quiproquos nuisibles à l'efficacité du mécanisme.
Le non-cumul avec la mise en place de systèmes de variations de puissance est assez inattendu. Par ailleurs, suite à l’abrogation de la fiche pour la mise en place d’horloges astronomiques en janvier 2022, la fiche RES-EC-103 aurait dû être modifiée pour y intégrer la valorisation de ces équipements, ce qui n’a pas encore été mis en place à date.

Ainsi, si nous saluons la révision de la fiche RES-EC-104 nous craignons que certaines évolutions créent une forme d’inertie chez les donneurs d’ordre, notamment du fait de la lourdeur administrative que sa valorisation implique et de la baisse notoire des forfaits CEE. Nous sommes également dans l’attente des premiers retours suite au passage des bureaux de contrôle et serons force de proposition pour faire en sorte que les attendus soient en accord avec la réalité du terrain. »


Compléter le panel des fiches de récupération de chaleur existante dans l’industrie

Avec la création de 3 fiches, applicables aux opérations engagées à compter du 1er janvier 2025 :

  • IND-UT-137 « Mise en place d’un système de pompe(s) à chaleur en rehausse de température de chaleur fatale récupérée », qui vise à mettre en place un système à compression de vapeur entraînée par un moteur électrique de type air/air, air/eau ou eau/eau en rehausse de température afin de couvrir un besoin de chaleur sur le site (procédé, chauffage des locaux ou eau chaude sanitaire) de puissance thermique « chaud » inférieure ou égale à 2 MW.
  • IND-UT-138 « Conversion de chaleur fatale en électricité ou en air comprimé », qui vise à mettre en place un système de récupération de chaleur fatale sur les effluents d'un équipement industriel ou d'un ensemble d'équipements industriels pour conversion en électricité ou en air comprimé autoconsommés sur site, via un échangeur thermique et une machine thermodynamique.
  • IND-UT-139 « Système de stockage de chaleur fatale », qui vise à mettre en place un système de stockage de chaleur fatale (inférieure ou égale à 16 GWh/a), afin de couvrir un besoin de chaleur sur le site. Le système de stockage est fixe et connecté au réseau de distribution de chaleur.

Il est prévu d’instaurer une obligation de contrôle pour toutes les opérations relatives à ces fiches, dont les référentiels devraient être soumis à concertation en septembre 2024, pour une application aux opérations engagées à compter du 1er janvier 2025.


👀 L’oeil de l’expert :

Rudy Ayivi, Responsable du pôle Ingénierie technique financière du département Grands Comptes chez Hellio :


Rudy-Ayivi

« Obligations découlant du dispositif Éco Énergie Tertiaire et décret BACS, bonifications liées à la mise en place d’une GTB (Gestion Technique du Bâtiment), Coups de pouce Chauffage, rénovation globale… Depuis le début de la 5e période du dispositif des CEE, force est de constater que les mesures incitatives ont été essentiellement fléchées vers l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments tertiaires et résidentiels, pouvant donner l’impression de laisser pour compte le secteur industriel.

Nous accueillons donc de façon très positive le signal envoyé aux acteurs du secteur industriel, avec la création de ces trois nouvelles fiches d’opérations standardisées.

Par exemple, la mise en place d’une pompe à chaleur (PAC) en rehausse de température de chaleur fatale est une opération couramment étudiée par les industriels ayant besoin de températures élevées pour leurs process, mais qui jusqu’alors ne bénéficiait pas de financements CEE.

La création de ces fiches permettra de réduire les coûts d’investissement de ces installations, ce qui aura pour impact de générer plus de projets et de redynamiser le marché de l’efficacité énergétique à l’échelle du secteur. »

1Arrêté du 22 août 2024 modifiant l'arrêté du 4 septembre 2014 modifié fixant la liste des éléments d'une demande de certificats d'économies d'énergie et les documents à archiver par le demandeur, l'arrêté du 22 décembre 2014 modifié définissant les opérations standardisées d'économies d'énergie et l'arrêté du 28 septembre 2021 modifié relatif aux contrôles dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie.
2L’écran est mis en place au sein des serres en verre ou en plastique.
3Température de rejet supérieure à 25 °C.
4Fours, sécheurs, groupes frigorifiques, traitements humides, traitements thermiques, etc.

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